La France ne doit pas effectuer la demande des autorités tadjikes d’extrader un journaliste indépendant vers le Tadjikistan, où il risquerait d’être torturé et d’autres formes de mauvais traitements, a déclaré aujourd’hui le Comité norvégien d’Helsinki dans une déclaration.
15/06/2023
Précédemment cette année, les autorités tadjikes ont envoyé une demande d’extradition à la France, demandant le retour forcé au Tadjikistan de Saduridinov Muhamadiqbol. Muhamadiqbol, qui a fui le Tadjikistan pour échapper aux persécutions en 2012, est le rédacteur en chef d’Isloh (réforme), un journal d’opposition qu’il dirige depuis son exil européen pendant ces six dernières années.
En tant que rédacteur en chef d’Isloh, Muhamadiqbol est devenu un critique très notable et franc des autorités tadjikes. Il est connu pour avoir dénoncé la corruption du gouvernement, de graves violations des droits humains et pour avoir vivement critiqué le régime tadjik. En réponse, les autorités tadjikes ont tenté pendant des années de se venger de Muhamadiqbol et de le réduire au silence ainsi que sa chaîne d’information. Il a déclaré au Comité norvégien d’Helsinki qu’il pensait que les autorités avaient intensifié leurs efforts pour le retrouver après l’ouverture de la chaîne YouTube Isloh TV en 2019. En 2020, alors qu’il était déjà en exil volontaire, les autorités tadjikes l’ont inculpé d’escroquerie à grande échelle[1] et l’ont inscrit sur la liste des personnes recherchées. L’année suivante, les autorités ont condamné à cinq ans de prison cinq personnes [2] accusées d’avoir fourni des informations à Isloh. Parce que ces personnes ont été poursuivies, les autorités ont déclaré qu’elles considéraient Isloh comme faisant partie du parti d’opposition interdit et contrôlé par des extrémistes, le Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT), faisant de toute affiliation avec le journal une infraction pénale au Tadjikistan.
-Le régime du Tadjikistan emprisonne depuis des années les détracteurs en masse dans le pays et traque les opposants à l’étranger. «Notre travail montre clairement que tout dissident qui tombe entre les mains des autorités tadjikes court un grand risque de torture et d’autres mauvais traitements, ainsi que d’emprisonnement politique», déclare Berit Lindeman, secrétaire générale du Comité norvégien d’Helsinki. – La France ne peut renvoyer de force Muhamadiqbol au Tadjikistan sans violer le principe intangible de non-refoulement.
Le crime présumé, pour lequel Muhamadiqbol est recherché par les autorités tadjikes, aurait dû se produire dès 2010. Selon le procureur général du Tadjikistan, Muhamadiqbol a ensuite escroqué trois personnes tadjikes nommées pour un total de 430 000 dollars dans le cadre d’un stratagème d’investissement douteux. Muhamadiqbol lui-même nie tout crime et soutient que les accusations criminelles sont politiquement motivées et visent à faire taire ses reportages. En effet, ce n’est pas la première fois que les autorités tadjikes accusent des détracteurs et des opposants de fraude — le Comité Helsinki norvégien a documenté au moins huit autres cas où les autorités tadjikes ont inculpé des dissidents et des détracteurs en vertu de l’article 247, notamment les avocats des droits de l’homme [Buzurgmehr Yorov et Nuriddin Makhkamov.]
Sadrudinov Muhamadiqbol est sous le feu des autorités tadjikes depuis plus d’une décennie. Il a déclaré au Comité norvégien d’Helsinki qu’il avait quitté le Tadjikistan pour le Kirghizistan en 2012 après avoir reçu un avertissement indiquant que les autorités avaient l’intention de le persécuter. Au Kirghizistan, il a été arrêté par les services de sécurité kirghizes fin 2015 et averti qu’il serait renvoyé au Tadjikistan s’il ne quittait pas le pays rapidement. Après avoir quitté le Kirghizistan en novembre 2015, il est resté au Kazakhstan jusqu’à ce qu’il soit averti que l’État kazakh pourrait également l’extrader vers le Tadjikistan. En décembre 2015, il a quitté le Kazakhstan pour la Biélorussie, où il a été brièvement détenu avant de rejoindre l’Union européenne. Depuis 2017, il vit en France, où il exerce ses fonctions de rédacteur en chef d’Isloh.
[1] Article 247.4 du Code pénal : « Escroquerie particulièrement massive »
[2] Muhammadsodiq Saïdov ; Abdussator Mirziyoev ; Izatullo Safarzoda ; Abdougafor Radjabov ; Aslamkhon Karimov. Tous ont été condamnés en vertu de l’article 307 du Code pénal : « Appels publics à un changement violent de l’ordre constitutionnel de la République du Tadjikistan





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